Les agents du Centre départemental de gestion ont pu assister à une conférence dédiée, au cours de laquelle Farah ZAOUI, directrice et fondatrice de l’agence Probitas, et grande spécialiste de l’anticorruption, a pris le temps de parcourir les contours de la déontologie dans le secteur public. Un thème amené à devenir de plus en plus incontournable au sein de la fonction publique territoriale, et des occupations du CDG 77.
Une conférence préalable au renforcement de la prévention liée aux conflits d’intérêts
« Qu’est-ce que la déontologie ? S’agit-il des prévenir des actes illégaux ? Ou alors d’assurer en permanence la transparence des processus de décision ? S’agit-il d’être exemplaire ? Ou simplement de préserver les apparences pour susciter de la confiance ? » questionne en ouverture de la conférence la Présidente du CDG 77, Anne THIBAULT. C’est dire la difficulté de la tâche qui incombait à Farah ZAOUI : clarifier en moins de 3 heures les tenants et les aboutissants, juridiques, moraux et effectifs de la déontologie dans le secteur public, qui plus est de la manière la plus empirique possible. Et ce auprès de l’ensemble des agents du CDG 77 et des vice-présidents élus de celui-ci. Comme une manière de rappeler que la déontologie constitue certes des devoirs, mais surtout une protection, dont la négligence peut avoir des effets plus funestes qu’imaginés.
En effet, avec la récente mise en place du référent déontologue à destination des élus (loi 3DS), le sujet est sur toutes les tables. « Lutter contre la corruption, contribuer à la neutralité des décisions et prévenir les conflits d’intérêts, c’est en réalité l’affaire de tous ! Or, d’une certaine manière, les agents du CDG sont en relation quotidiennement avec les élus dans l’exercice de leurs fonctions, aussi [ils sont] bien placés pour pouvoir déceler, à des occasions diverses, les manquements qui peuvent être faits à la déontologie. » ainsi justifie Anne THIBAULT l’organisation de cette séance, déployée dans le but premier de déceler bonnes pratiques et points de vigilance que doivent avoir tant les élus que les agents de la fonction publique territoriale, dont la confiance vis-à-vis des administrés remplace le profit en qualité d’élément de régulation de leurs activités. Car le Centre départemental de gestion entend renforcer son action de prévention liée aux conflits d’intérêts et aux délits d’atteinte à la probité, les seconds étant la conséquence accidentée des premiers qui, contrairement à une croyance qui a la peau dure, ne constituent pas un délit et ne peuvent faire l’objet de poursuites pénales. Une telle conférence, cure de rappel pour certains, déconstruction d’une parabole floue pour d’autres, s’imposait donc.
Définir les conflits d’intérêts : une tâche alambiquée
Qui dit déontologie dit contexte, et à travers ce dernier les dispositions législatives et réglementaires en place, ainsi que l’environnement institutionnel existant (et souvent récent). Parquet national financier, Haute autorité pour la transparence de la vie publique (deux institutions instaurées en 2013), dispositif anti-corruption mis en place dans le cadre de la loi Sapin II en 2016, loi Wasermann de 2022 étendant l’immunité aux lanceurs d’alerte, jusqu’au récent décret instituant un référent déontologue auprès des élus… autant d’ossatures qui, s’ils sont jugés insuffisantes ou floues par certaines parties, démontrent une volonté de l’Exécutif et du législateur de prendre le sujet à bras le corps jusqu’au cœur de l’échelle locale. Mais c’est essentiellement sur la Charte de l’élu local que Farah ZAOUI a choisi de s’attarder, celle-ci conférant une base normative que nul n’est censé ignorer aujourd’hui au sein la FPT : « l’élu local est et reste responsable de ses actes pour la durée de son mandat devant l’ensemble des citoyens de la collectivité territoriale, à qui il rend compte des actes et décisions pris dans le cadre de ses fonctions » (article 7).
Si la déontologie des élus occasionne certains gros titres médiatiques, celle qui s’applique aux agents mérite également d’être rappelée. Il s’agit ici d’un comportement éthique dans le cadre de leurs missions, moins soumis, à la différence de l’élu, à une exigence de confiance qu’à une nécessité statutaire, aux principes gravés dans le marbre : neutralité, impartialité, respect du principe de la laïcité…
Typologie des délits d’atteinte à la probité
Nœud de l’intervention, les délits d’atteinte à la probité dans le secteur public ont été passés au crible, de 6 ordres :
- La corruption, élément le plus connu et les plus porté devant les instances pénales : de deux types – passive (qui est le fait du « corrompu ») et active (qui est le fait du « corrupteur ») – elle consiste à abuser de son influence en vue d’obtenir d’une autorité des distinctions, emplois, marchés, ou toute autre décision favorable
- Le trafic d’influence : jeu à trois (“proposeur”, influenceur et administration publique) impliquant un abus d’influence pour obtenir une faveur
- La concussion : exiger ou ordonner de percevoir une somme qui ne devrait pas être due ou accorder une exonération sous n’importe quelle forme
- Le détournement de fonds publics, qui comprend également les délits liés à l’expression d’ « emploi fictif » : soit la volonté de détourner ou détruire un bien dont l’auteur sait n’être que le dépositaire
- Le favoritisme : procurer un avantage injustifié contraire aux règles de la commande publique
- La prise illégale d’intérêts : prise d’intérêt, même indirecte et même pour une somme modique, dont on a l’administration ou la surveillance. L’occasion de rappeler que lors d’une délibération, s’abstenir de voter est insuffisant, et qu’il importe de se déporter physiquement et moralement.
Entretenir une culture de l’éthique : une action de longue haleine
Combattre la corruption au sens large constitue un développement qui, selon Farah ZAOUI, repose sur 3 piliers :
- l’engagement de l’instance dirigeante ;
- une cartographie des risques ;
- la gestion des risques.
Ce dernier point semble de toute évidence le plus important, notamment sur son versant préventif. À cet égard, les agents, et plus récemment les élus, disposent de référents déontologues, personnes extérieures à l’administration, compétentes pour recevoir des signalements, voire répondre à des interrogations précautionneuses : « Dois-je accepter un cadeau ? », « je me trouver en situation de conflit d’intérêts, que dois-je faire ? »….
Lois 3DS, Sapin II, Charte de l’élu local, statut des fonctionnaires… ces dispositions sont essentielles mais ne seraient finalement à elles seules contenir les atteintes à la probité, sans le prolongement d’une culture de l’éthique au caractère incitatif, qui implique d’aller bien au-delà de la loi. La transparence, l’établissement d’un code de conduite (politique anti-cadeau, règles d’utilisation des ressources publiques), la définition de zones à risques sont des actions autodidactes que les élus et les agents gagnent à stimuler. En gardant, surtout, en tête que l’éthique n’est pas une finalité, mais bien un objectif vers lequel tendre, qui doit éviter les écueils de la rigidité et de l’hostilité permanentes.
Un vaste programme… qui méritait bien ce court rassemblement.