Licenciement pour insuffisance professionnelle de l’agent

La distinction entre l’insuffisance professionnelle et la faute disciplinaire

Il appartient à l’autorité territoriale de veiller à bien distinguer l’insuffisance professionnelle de la faute disciplinaire, car il s’agit de deux régimes juridiques distincts.

L’insuffisance professionnelle

L’insuffisance professionnelle d’un agent contractuel est avérée lorsque les capacités professionnelles ne répondent pas, ou plus à ce que l’intérêt du service exige de lui. L’insuffisance professionnelle doit être appréciée au regard des fonctions pour lesquelles l’agent a été recruté, telles qu’elles figurent dans l’acte d’engagement.

Le licenciement doit avoir été précédé d’avertissements, d’observations ou remarques, de faits dont la matérialité doit être établie.

L’insuffisance professionnelle se différencie principalement de la faute par l’absence de volonté délibérée chez l’agent concerné, qui ne parvient pas à remplir les missions normales de son emploi par rapport aux exigences de capacité que l’administration est en droit d’attendre de l’agent eu égard notamment à sa catégorie hiérarchique à laquelle est rattaché son emploi, alors qu’il dispose de tous les moyens nécessaires, et que ses manquements ne trouvent pas leur source dans son état de santé.

Par exemple : relève de l’insuffisance professionnelle l’agent qui se soustrait de façon répétée au contrôle du pouvoir hiérarchique pour l’organisation de ses missions et prend des décisions qui doivent être regardées comme contraires à l’intérêt du service (CAA de Marseille, 28 mars 2017, n° 16MA01846).

L’insuffisance professionnelle se distingue de la faute disciplinaire en ce qu’elle n’induit pas de faute caractérisée mais « un manque de diligence, de rigueur dans l’exécution du travail, l’inaptitude à exercer ses tâches professionnelles » de la part de l’agent visé (CE, 17 mars 2004, « Provost », n°205436).

Insuffisance professionnelle

Travail peu rapide, une absence de rendement
Mauvaise organisation du travail.
Incapacité de communiquer.
Incapacité à s’intégrer dans une équipe.
Réalisation non satisfaisante des tâches confiées.
Manque de rigueur.

Ne caractérise pas une insuffisance professionnelle

Inaptitude physique temporaire ou définitive
L’état de santé de l’agent (CE, 25 février 1972, n°80674).
Des faits constitutifs d’une faute disciplinaire
Critiques, injures, menaces, violences
Harcèlement.
Non-respect des règles de discipline.
Négligence.

La caractérisation de l’insuffisance professionnelle

L’autorité territoriale doit vérifier, avant de licencier, si son niveau d’attente à l’égard de l’agent n’est pas supérieur au niveau prévu dans le contrat. En effet, l’article 3 du décret 88-145 du 15 février 1988 impose la définition du poste occupé dans l’acte d’engagement.

Par exemple : Il ne peut pas y avoir insuffisance professionnelle pour des missions non prévues dans le contrat de travail : il ne peut pas être reproché à un agent une incapacité à assurer une mission de développement, si cette dernière ne figure pas dans les fonctions qui lui avaient été confiées (CAA de Nantes, 3 février 2012, 10NT02423).

Ainsi, la collectivité ne peut constater l’insuffisance professionnelle qu’au regard des fonctions pour lesquelles l’agent a été engagé ou correspondant à son grade, et non sur une carence ponctuelle dans l’exercice de ses fonctions (CAA de Paris, 27 février 2018, n°16PA03485).

Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l’insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l’agent ni qu’elle ait persisté après qu’il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées (CE, 1er juin 2016, n°392621).

Le comportement en général de l’agent et de son organisation

L’insuffisance professionnelle peut être caractérisée par des difficultés relationnelles de l’agent dans ses rapports avec sa hiérarchie (CAA Versailles, 5 février 2008, n°06VE00494).

Mais aussi par des éléments tels que l’incapacité de travailler en équipel’absence de rigueur dans l’exécution des tâches, la lenteur et la médiocrité du travail réalisé ou le manque d’éthique professionnelle ( CAA Bordeaux, 12 juin 2012, n°11BX0322).

Le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un agent contractuel peut être fondé sur son insuffisance managériale alors même que ses connaissances dans le poste qu’il occupe ne sont pas contestées (CE, 20 mai 2016, n°387105).

A noter

La procédure de licenciement n’est enfermée dans aucun délai.L’administration peut notamment prendre en compte des faits portés à sa connaissance plusieurs années avant la date de décision de licenciement.

Ainsi, le caractère récurrent des manquements peut révéler une insuffisance professionnelle (CAA Douai 26 mai 2016, n°15DA01228).

Toutefois, si l’insuffisance professionnelle est surmontée en raison de l’évolution de l’intéressé dans l’exercice de ses plus récentes fonctions, le licenciement est illégal (CAA de Versailles, 28 mars 2017, n°15VE01342).

La reconnaissance de l’insuffisance professionnelle

Réunir des preuves matérielles attestant de l’insuffisance professionnelle

Il convient préalablement à la mise en œuvre du licenciement, de rassembler les éléments objectifs attestant de l’insuffisance professionnelle : lettres de cadrage ; rapports ; observations ; remarques ; avertissements ; positionnements dans le compte-rendu de l’entretien professionnel.

De l’existence de ces éléments probants dépendra la suite à donner à un éventuel licenciement pour insuffisance professionnelle :

  • absence de preuves matérielles pouvant caractériser l’insuffisance professionnelle : ne pas engager de procédure de licenciement ;
  • existence de preuves matérielles caractérisant l’insuffisance professionnelle : procédure de licenciement envisageable.

La consultation de la commission consultative paritaire

La consultation de la CCP doit intervenir : en principe, après l’entretien préalable et avant la notification de licenciement sauf exception prévues à l’article 42-2 du décret n°88-145 du 15 février 1988.

Un licenciement non précédé de la consultation de la CCP rend la décision irrégulière car c’est une formalité substantielle. L’absence de saisine de la CCP prive l’agent d’une garantie (TA Strasbourg, du 22 mars 2017, n°1603548).

Les membres de la CCP vont s’attacher à vérifier que la procédure a été respectée et en particulier la caractérisation de l’insuffisance professionnelle.

Doivent être jointes pour l’instruction de la saisine les pièces suivantes :

  • copie du contrat de travail de l’agent (et éventuellement des renouvellements de contrat) ;
  • fiche de poste de l’agent ;
  • organigramme ;
  • copie du courrier de convocation à l’entretien préalable ;
  • copie des comptes rendus d’entretien professionnel ;
  • rapport et éléments de l’autorité relatifs à la caractérisation de l’insuffisance professionnelle ;
  • autres documents (il s’agit de tout autre document que vous jugez utile à l’appréciation des membres – facultatif).

Références juridiques

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